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COCHES D'EAU ET BATEAUX A VAPEUR
Le voyage sur la Seine entre 1750 et 1850
Le fleuve |
La Seine, une artère vitale
"Promenez
les yeux d'un bord du fleuve à l'autre. Suivez ainsi son cours jusqu'à
Saint Fargeau, dans les demi-cercles dont il s'enlace...Quelle action sur sa
surface ! Voiture-t-il donc les productions d'un monde dans un autre ? A quel
dessein ces batelets, ces barques, ces bateaux, ces couplages qui, tous, semblent
se cacher dans l'eau sous le poids de leurs charges ? Pour combien de contrées
tant de vin dont les futailles s'empilent en colline dans tous ces longs bateaux
à si larges flancs ? Les forêts du Nord se sont transportées
sur la Seine pour s'y construire en ces radeaux d'une longueur sans fin qui
se succèdent sans fin.!
Et
ces autres dépouilles des prairies, amoncelées en manière
de fenil sur des bateaux accouplés...et ces grains, bleds, orge, farine,
avoine et tant de fruits de toute nature qui semblent vouloir submerger les
bâtiments qui les enlèvent !...(Chalumeau, administrateur
du district de Melun, propriétaire à Boissise, Ma
chaumière, 1791, ADSM 8° 395.)
Dès le Haut Moyen-Age, la Seine était devenue l'axe principal
de l'approvisionnement de Paris : bois du Morvan, vins de "France"
ou de Bourgogne, grains et farine de la Brie. L'ouverture des canaux de Briare
en 1642 y ajoute un très fort trafic en provenance de la Loire, en particulier
du sel de l'Atlantique qui remonte vers Paris. Les places fortes de Melun et
Corbeil furent maintes fois attaquées car elles verrouillaient le ravitaillement
de la capitale : qui voulait assiéger Paris devait en tenir les clefs
! Aux flutes, margotats, lavandières, embarcations diverses et trains
de bois s'ajoutaient les lourds coches d'eau surchargés de passagers
et de marchandises les plus diverses.
Un fleuve sauvage
Mais
la Seine n'est pas celle que nous connaissons aujourd'hui."Ceux qui
nous ont précédés ne voyaient guère que de banales
et plates rivières parsemées d'ilots et de javiots, bordées
de mores et d'atterrissements, environnées de noues ou de voves marécageuses.
Sur de nombreux baissiers, la hauteur de l'eau ne dépassait pas quelques
décimètres..". (Verdier de Pennery, les
gués de la Seine et de l'Yonne, 1959).
Crues et décrues, roches et bancs de sable rendent
la navigation difficile, voire impossible. En hiver, le fleuve pouvait être
"bâclé", pris par les glaces (56 jours en 1788,
75 en 1879) et, en janvier 1830, la débâcle emporta le Pont-aux-Moulins
de Melun. En période de crue, le fleuve charrie débris et épaves
de toutes sortes et les chemins de halage disparaissent sous les eaux : ce fut
le cas en 1802 pendant 96 jours! Le passage des ponts, à Melun
ou à Corbeil, est alors une opération périlleuse malgré
l'aide des "avaleurs" de pont. Par contre, à l'étiage,
les nombreux gués (une douzaine entre Melun et Corbeil) se transforment
en "râcles" où les "engravages" sont nombreux.
En 1714, une sécheresse exceptionnelle interrompt longuement tout trafic.
En moyenne, les conditions de navigation ne sont satisfaisantes que six mois
par an.
Un fleuve apprivoisé
Pourtant, dès le XVI° siècle, le système des éclusées,
avec ses barrages fixes à pertuis, sur l'Yonne et la Haute Seine, facilite
l'approvisionnement de Paris en bois. Les échevins, soucieux du ravitaillement
de la capitale, s'occupent avec efficacité de l'entretien des chemins
de halage et du chenal navigable. Prévenu le 28 juin 1621 d'éboulements
à
hauteur de Tilly, le Bureau de la Ville envoie des experts le 2 juillet entre
St Fargeau et l'embouchure de l'Ecole. Le devis est établi mi-Juillet
et les travaux sont adjugés dès le 15 août à Michel
Le Clerc, compagnon charpentier...(A.N H 1800, 1894).
Depuis 1670, sous l'impulsion de Colbert, les missions d'inspection se multiplient.
En 1732, un célèbre cartographe, l'abbé Delagrive, est
chargé de dresser une carte
du fleuve. Il y inscrit minutieusement tous les obstacles à la navigation.
Sur leurs petits cahiers (A.N F14/1210), les inspecteurs notent, eux aussi,
le moindre détail : les vignes des Augustins de Saint Fargeau empiétent
sur le chemin de halage et les religieuses de Melun y jettent leurs ordures(1751)
; les grosses pierres utilisées par les lavandières et les rouisseurs
de chanvre "gênent le tirage" (1770)
Plus sérieusement, en 1752, les inspecteurs notent que .partout le halage
se fait au midy mais que les "isles Malécot", (rive gauche,
en face de Boissise) obligent à traverser les chevaux par le bac de Ste
Assise et à longer la rive droite jusqu'à Boissettes où
est un "passe-chevaux" pour reprendre la rive sud jusqu'à Melun.
Après de gros travaux, les "isles" sont rattachées à
la rive et deviennent l'actuelle "Prairie Malécot". On commence
à empierrer les berges (les perrés), à supprimer les roches
gênantes; à construire des ponceaux (comme celui sur l'embouchure
de l'Ecole).
Un fleuve dompté
Il faut attendre les années 1830 pour que soient
construits les premiers barrages "mobiles". Un système de vannes
ou de hausses à "aiguilles" ou à "fermettes"
régulait la hauteur d'eau en amont du barrage. Fermé aux basses-eaux,
il noyait les hauts-fonds; ouvert en période de hautes eaux, il évitait
les inondations. Une écluse permettait le passage des bateaux. En 1859,
deux barrages étaient mis en chantier à Melun et Evry, suivis
peu après par ceux des Vives-Eaux, de la Citanguette et du Coudray. Le
fleuve "sauvage" devenait celui que nous connaissons : une succession
de biefs d'eaux calmes, à niveau (à peu près) constant
et à très faible pente.
Le passage incontournable pour qui s'intéresse à la navigation fluviale : Le musée de la Batellerie à Conflans St Honorine, ses publications et son centre de documentation sans qui ces pages n'auraient pas pu être réalisées !!!
Sur l'importance de la Seine pour l'économie parisienne
: BACKOUCHE (Isabelle), La trace du fleuve. La Seine et Paris, 1750-1850.
Editions EHESS, Paris, 2000.
Sur le régime du fleuve et les travaux anciens : VERDIER DE PENNERY,
Les gués de la Seine et de l'Yonne...,Bulletin de la Société
Préhistorique Française, 1959, n° 11-12.
Sur les travaux du XIX° siècle : MERGER (Michèle), "La
canalisation de la Seine (1838-1839), dans La Seine et son histoire en Ile
de France, Paris, 1994.
Sur les éclusées, flottage et trains de bois (Seine et Yonne)
: http://batellerie.free.fr/n15.htm
et http://bois.volants.free.fr/.
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