Le 3 avril 2004, une plaque portant le nom du Maréchal Juin
a été posée sur le pont qui relie les deux berges de la Seine
entre Seine-Port et St Fargeau-Ponthierry. Le souci légitime de rappeler, par
le souvenir d'un des grands acteurs de la victoire de 1945, l'importance
du franchissement de la Seine par l'armée Patton, ne doit pas faire oublier
le nom de Saint-Assise que ce passage du fleuve porte depuis près
d'un millénaire. Et son histoire est bien plus ancienne encore....
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Celui qui a passé le gué sait combien la rivière est profonde
(proverbe basque). Les
gués de la Seine étaient connus depuis la préhistoire et permettaient
de la passer sans trop de difficultés à pied ou à cheval. Les moines qui
fondèrent St Acire (devenu plus tard St Assise) au début du XIIème
siècle connaissaient bien le fleuve ou ils possédaient gord (pêcherie)
et moulin. A la veille de la "canalisation" de la Seine, vers 1840,
on compte treize gués entre Melun et Corbeil, d'une profondeur
moyenne de 65 cm. A Boissise le Roi, le passage mesurait 360 m pour
une profondeur de 52 cm, à St-Assise 352 m pour 70 cm, à Maison-Rouge
300 m pour 60 cm. Enfin, à la Guiche, il n'y avait que 190 m de traversée
dans 60 cm d'eau. Mais les éclusées - lâchers d'eau pour entrainer
les trains de bois du Morvan vers Paris- rendaient le passage très
dangereux et il devenait impossible pendant quatre à cinq mois
de hautes eaux d'hiver et de printemps.
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Je ne suis que le passeur ! Je ne m’éloigne
jamais d’un bord ou de l’autre du fleuve
(Yves Bonnefoy). Pour passer deux ou trois personnes
sans se mouiller, on faisait appel aux nombreux batelets des passeurs
(souvent aubergistes ou maîtres-pêcheurs). Ils assuraient aussi le transfert
des passagers là où les coches d'eau (et plus tard les bateaux-vapeur)
ne faisaient pas escale. Dans cette région de vignes où les vignerons
faisaient tout pour échapper au fisc, ces petites barques facilitaient
les transports de vin clandestins : le 28 juin 1763, les contrôleurs
des aîdes arrêtent une barque chargée de tonneaux "au
port et passage de Saint Assise, paroisse de Seine-Port", pour
la contrôler. Le batelier coupe "avec précipitation la corde, pousse
au large de la rivière et rame avec force du côté de Corbeil."
Il échappe enfin aux poursuites en se réfugiant de l'autre côté de la rivière "paroisse
de St Fargeau". (ADSM
35C68).
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Comme le bac relie une rive du fleuve à l'autre,
les élans du
cœur unissent les hommes (proverbe
chinois) : mais
aussi les réalités économiques ! Dès qu'il s'agit de transporter
marchandises et voyageurs, c'est au bac qu'il faut faire appel.
En 1618, Nicolas Le Jay, seigneur
de Tilly et Maison-Rouge, Président au Parlement de Paris et homme
d'affaires avisé, demande au Roi "de luy accorder l'establissement
d'un bacq sur ses terres pour passer du lieu le plus commode pour le public du
Gastinois et Heurepoix dans la Brie". Le Bureau de la Ville
de Paris, qui gère le trafic sur la rivière, déclare "lequel
bacq audict lieu grandement nécessaire pour le public, attendu qu'entre
Corbeil et Melun, il n'y en a aulcun estably".(A.N.
H 1800, f°118 v°). Mais
c'est à Saint-Assise qu'il sera établi : "Arrivée au port de
S.Assise, il y a une auberge sur le bord septentrional de la rivière
et un bac (Le
conducteur français, Route des coches de Seine, Paris 1780). Il
en coûte 8 sols pour passer une charrette et ses 6 chevaux. Le grand
bac de 1812 (12 m sur 6), avec ses rampes d'accès à bascule, embarque
une soixantaine de personnes ou une quinzaine de chevaux.
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