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Crime et châtiment : Profanation à Tilly !

«...Les villes voient dans leur sein la religion languir et s’éteindre au lieu de se ranimer parce qu’elles n’ont plus assez de prêtres vigoureux, zélés, instruits, capables de replanter d’une main la vigne du Seigneur et de la défendre de l’autre contre les insultes de ses ennemis. Il n’y plus même de foi dans les campagnes parce que les évêques ne peuvent plus y envoyer assez de prêtres rallumer le flambeau de l’Evangile. Les mœurs y sont dans le plus affreux état ; et si le mal continue, ces gens qui vivent comme des bêtes, en foulant aux pieds le baptême qu’ils ont reçu en naissant, cesseront de demander en mourant la sépulture ecclésiastique...» Cette lettre du 12.11.1816 de Philippeaux, curé de Fontainebleau,  (ADSM J 585 ) reprend le constat bien connu de la déchristianisation sous la Restauration. L'incident rapporté ci-dessous en est une vivante illustration.

 - Le 8 septembre 1820 – Melun - Du Commandant de la Gendarmerie Royale de Seine et Marne au Préfet  (ADSM 10207 )
« Ce n’est point un rapport ordinaire que j’ai l’honneur de vous soumettre, celui-ci ne semble pas appartenir au siècle dans lequel nous vivons, mais il donne à connaître l’esprit du peuple dans certaines circonstances, et c’est dans cette considération que je vous le transmets.

Le dernier jour de la fête à St Fargeau, trois jeunes gens, les nommés St Agnant, Normand et Bizon, vont se divertir dans le cabaret de la veuve Guéret au hameau de Tilly. Ils aperçurent une vierge en plâtre sur la cheminée, ils lui adressent mille injures et, après avoir fait des ordures dans une assiette dans l’intention de la régaler (ont-ils dit), ils enlèvent cette vierge qui est plongée à plusieurs reprises dans cette ordure.

Peu de temps après, St Agnant et Normand tombent malades : le premier meurt après dix jours de maladie, le 2éme après vingt-huit. Bizon, habitant de la commune de Boissise le Roy, frappé et effrayé de la punition de ses deux compagnons de débauche, ne sachant plus à quel saint se vouer, fait dire des messes, allumer des cierges, il ne quitte plus l’église et implore la miséricorde divine.
Le peuple crie ‘Ô miracle ! il y voit la justice divine et prend pitié du pauvre Bizon dont l’exemple l’a singulièrement frappé. La gendarmerie a du prendre des informations sur la mort prématurée des deux jeunes gens qui est attribuée par les médecins aux excès de tout genre auxquels se livraient ces malheureux....»

-  Transmission du Préfet à l’administration centrale de la Police à Paris  (ADSM 10207)        
« Des faits en apparence surnaturelle ont causé beaucoup de sensations dans le canton-sud de Melun. Trois jeunes gens ont commis dans un cabaret la plus infâme profanation envers une image de la Vierge. Peu de temps après, deux d’entre eux sont tombés malades ; tous les deux sont décédés, le premier après 10 jours, le second après 28 jours de maladie. On regarde leur mort comme un châtiment de Dieu et cette opinion s’accrédite dans les campagnes quoique les médecins consultés ayant assigné les causes naturelles de ces événements après avoir ouvert les cadavres. Le 3ème de ces jeunes gens éprouve et manifeste les plus vives inquiétudes....»

Déjà, en février de la même année, quatre jeunes gens de Melun avaient été condamnés à un mois de prison pour avoir «arraché et culbuté ...la Croix dite St Jacques, située entre la route de Fontainebleau et celle de Chailly...» (ADSM 10128). La politique autoritaire (loi du Sacrilège 1825) de restauration morale et religieuse, qui multiplie les refus de sépulture, de mariage ou de baptême, les interdictions de bals et les fermetures de cabarets, ne fera qu'accroître les tensions. Celles-ci expliquent la violente réaction anti-religieuse de 1830 dans de nombreuses communes, comme à Pringy,par exemple.

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