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"Quand nos ancêtres vivaient de la Seine "¨
Notes d'histoire sur la pêche et les pêcheurs professionnels

Le statut du fleuve

Corporation et règlements

Techniques de pêche

Les prises et la vente

Disparition au XIX siècle

Un fleuve en Révolution
Nuit du 4 août 1789 : les députés à l'Assemblée Constituante votent l'abolition des droits féodaux mais quatre jours plus tard, ils font surseoir à l'abolition de celui de pêche : intérêts particuliers ou plutôt crainte d'une dérèglementation dévastatrice ? C'est ce que laisse penser un curieux pamphlet anonyme dans lequel anguilles de Melun et grenouilles remercient le législateur de continuer à les protéger ! 

ARRÊTÉ
des
ANGUILLES DE MELUN
et de
LA DÉPUTATION DES GRENOUILLES

à M.T, Député de l'Assemblée Nationale,
qui a fait surseoir à l'abolition
du droit de pêche.
Paris - 1789

" Les Anguilles de Melun, duement convoquées et assemblées sous le pont de cette ville, lieu accoutumé de leur assemblée, délibérant sur la situation dangereuse des affaires publiques dans le chaos d'un siècle novateur et destructeur, étant informées que l'on aurait mis sous la main du Peuple et à sa discrétion les volatiles des Cieux et les quadrupèdes des champs, dont on fait grand carnage, ce qui est contraire aux droits de la Nature, qui sont bien aussi respectables que les droits de l'Homme..."

Mais, dans l'ardeur des premières années de la Révolution, les vestiges des droits féodaux vont être balayés :« nul ne peut se prétendre propriétaire exclusif des eaux d'un fleuve (loi du 6 octobre 1791) »; « les droits de pêche sont supprimés sans indemnités (loi du 30 juillet 1793) ». S'ouvre alors une période de vide juridique à laquelle Bonaparte va rapidement mettre fin : la loi du 14 floréal an 10 (4.05.1802) rétablit en faveur de l'Etat le droit exclusif de la pêche dans les rivières navigables. L'ancien domaine royal est redevenu domaine de l'Etat !

Cantonnements et adjudications
La Seine est alors découpée en "cantonnements : six dans la traversée de la Seine et Marne. Les 10èmes, de Melun à l'Ecole, et 11èmes, jusqu'au Coudray reprennent les anciennes divisions féodales ! Le droit de pêche y est concédé par adjudication annuelle : le 25 ventôse an 12 (16.03.1804), Jérôme Sadron, de Boissise la Nation (le Roi), emporte la section Melun-Coudray (17 km) pour 820 F. Les adjudicataires sont souvent des pêcheurs et aubergistes associés : en 1830, la section 10 est enlevée par Hamel, aubergiste à Beaulieu et Renoux, pêcheur à Melun ; la 11ème revient à deux pêcheurs de Melun et à un aubergiste de Seine-Port.
Gestion et surveillance sont assurés par le service de la Navigation de la Seine. Les procès pour fraude ou braconnage ne sont pas rares : en 1807 contre Surin, de Boissise le Roi et Chamblain de Boissise la Bertrand. Le service gére aussi les aléas du temps ou de l'Histoire. Le 14 germinal an 9, du bois entraîné par une crue exceptionnelle, a endommagé les installations de Boissise. Des dégrèvements sont accordés sur les baux de 1814 « à raison des privations de jouissance éprouvées par l'effet du séjour des troupes étrangères ».

Un fleuve qui change
Le 1er août 1863, le pêcheur adjudicataire du 11ème cantonnement (de Boissise au Coudray) se plaint au Préfet : «Des permissions trop nombreuses ont été accordées, à l'effet de couper des joncs dans la Seine...dans des endroits considérés comme retraite pour le poisson et dans lesquels, comme fermier de la pêche, je tends mes filets. L'herbe étant coupée, le poisson n'y séjourne plus et mes filets restent vides.» L'achèvement de la construction des écluses (Vives-Eaux, Citanguette, Coudray) en 1864 l'amène à abandonner sa concession. La Seine est "canalisée : " les écluses ont transformé le fleuve ( jusqu'alors pur et limpide en amont de Paris) en une sorte de canal aux eaux stagnantes et troublées..."

Une corporation qui disparaît
En 1868, Gabriel Leroy, l'historien de Melun, constate que "les causes de  la disparition presque totale de certaines espèces de poissons et de la diminution des autres sont facilement appréciables. On peut avec raison les attribuer aux dragages, à la transformation des berges en perrés, à la suppression des moulins qui ont privé le poisson des abris où il se réfugiait et dans lesquels il se multipliait à plaisir. On ne saurait omettre non plus la trop grande multiplication des brochets (?) ni la perturbation résultant des bateaux à vapeur et des barrages, dont le flux et le reflux sont autant de motifs de destruction du frai...
La rareté du poisson, le relâchement des lois de l'Eglise sur l'observation du jeûne
et surtout la concurrence de la marée qui abonde sur les marchés grâce à la facilité des transports, toutes ces causes amenèrent promptement la décadence de la profession. (Recherches sur la corporation des maîtres-pêcheurs de Melun.)

Quelques professionnels survivront jusqu'à la Première Guerre mondiale. Les gardes-pêche auront surtout affaire à de pittoresques Raboliot locaux ! Dès 1860, les droits de pêche sont attribués à de riches propriétaires, comme le prince de Beauveau (à Ste Assise) ou aux premières sociétés de pêche.
Au pêcheur professionnel succède l'amateur de pêche. Mais ceci est une autre histoire !

 

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