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Un difficile contrôle des aides chez un aubergiste
Ponthierry - 6 /09/1782

Dans un passionnant recueil d'articles sur la vie rurale d'autrefois, Par les champs et les vignes, Marcel Lachiver écrit : « Le vin est, dit-on, le produit agricole le plus contrôlé , le plus suivi tout au long de son élaboration. Longtemps, il a été le plus taxé; toujours la fraude a essayé de contourner un dispositif de plus en plus contraignant.
Jusqu'au XIV° siècle, aucun impôt d'Etat ne pèse sur le vin. La nécessité de payer la rançon du roi Jean, fait prisonnier à Poitiers, conduit le dauphin Charles à établir l'impôt du " sou par livre" (5%) sur la vente des vins en gros. Ensuite les besoins de la monarchie se multipliant, les impôts s'ajoutent aux impôts à tous les stades de la commercialisation, en particulier lors de la vente au détail dans les cabarets... C'est de cette époque que date l'allergie des Français à l'impôt sous toutes ses formes.... »
Les contrôles chez les vignerons et dans les auberges, étaient assurés sous l'Ancien Régime, par les "bureaux des aîdes". Ce n'était pas sans danger : les nombreux procès-verbaux de visite, conservés aux archives en série C, racontent , certificats médicaux à l'appui, les mésaventures tragi-comiques des agents du fisc ! 

ADSM 35 C 71
Extrait : Pierre François Faris (ou Paris ?) et François Gérard , commis aux aîdes de Melun, se rendent à Ponthierry pour leurs visites et exercices ordinaires .

parvenus en la maison et domicile de Laurent Lemerle, vendant vin de crû à assiette et sous –détailleur d’eau de vie, l’avons sommé, parlant à sa personne, de nous faire ouverture de sa cave et de nous y accompagner pour êtreprésent à l’exercice que nous entendions y faire sur les boissons de ses charges ; à quoi satisfaisant, il est descendu avec nous dans la dite cave, avec ( ?) d’humeur et tout en murmurant contre nous.

Après notre exercice fait en sa présence, nous sommes remontés dans une chambre de sa maison, où étant, moi Faris, lui ai demandé s’il voulait payer le droit annuel d’eau de vie de l’année courante et ceux de détail des boissons débitées pendant la (tierce ?) dernière.

A quoi il nous a répondu que c’est là qu’il nous attendait; que nous étions de foutus coquins et de foutus voleurs ; que nous ne cherchions qu’à arracher l’argent du public pour le mettre dans nos poches mais que nous ne le ferions pas davantage.

Et à l’instant, s’étant armé d’une broche, est venu contre moi en disant qu’il y avait longtemps qu’il attendait l’occasion de me payer les frais que je lui avais fait faire pour deux demi-queues de vin qu’il devait anciennement à la Régie et, comme un furieux, m’a lancé un coup de la dite broche que je n’ai évité qu’en sautant bien rapidement en arrière.

Nous étant retirés tous deux dans une chambre contiguë à l’endroit où nous étions, il a voulu encore nous porter un second coup de la dite broche qui nous aurait infailliblement atteint si moi, Gérard, n’eus été assez prompt pour détourner le coup en poussant la porte de la dite chambre ; ce que je n’ai cependant pu faire avec assez de rapidité pour empêcher la broche de passer entre elle et la solive.

En ce moment, sa femme et plusieurs autres particuliers, à nous inconnus de nom mais que nous reconnaîtrions bien s’il nous étaient présentés, se sont joints à lui et, tout en nous accablant des invectives les plus atroces, cherchaient à nous environner.

Voyant le danger que nous courions, nous avons mis nos couteaux de chasse et nos pistolets à la main pour leur en imposer et, les ayant écartés par ce moyen, nous nous sommes retirés dans la rue où nous avons rencontré le dit Lemerle qui était sorti par la cour et qui s’était armé de grosses pierres qu’il s’apprêtait à nous lancer, ce que nous n’avons empêché qu’en lui présentant de nouveau nos pistolets.

A l’instant, nous lui avons, ainsi qu’à sa femme et à ses adhérents, parlant à eux tous, déclaré procès-verbal, à haute et intelligible voix, de leurs injures, invectives, rébellion et voies de faits ; que nous nous retirions au Bureau sis au dit Ponthierry pour y dresser notre procès-verbal, les sommant ( ?) de nous suivre, si bon leur semblait, pour être présents à la rédaction d’icelui, en entendre lecture, le signer et en recevoir copie.

Ce à quoi ils ont répondu qu’ils se foutaient de notre procès-verbal…