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Un difficile contrôle des aides chez un vigneron
Saint Fargeau - 10/ 07/.1707

Dans un passionnant recueil d'articles sur la vie rurale d'autrefois, Par les champs et les vignes, Marcel Lachiver écrit : « Le vin est, dit-on, le produit agricole le plus contrôlé , le plus suivi tout au long de son élaboration. Longtemps, il a été le plus taxé; toujours la fraude a essayé de contourner un dispositif de plus en plus contraignant.
Jusqu'au XIV° siècle, aucun impôt d'Etat ne pèse sur le vin. La nécessité de payer la rançon du roi Jean, fait prisonnier à Poitiers, conduit le dauphin Charles à établir l'impôt du " sou par livre" (5%) sur la vente des vins en gros. Ensuite les besoins de la monarchie se multipliant, les impôts s'ajoutent aux impôts à tous les stades de la commercialisation, en particulier lors de la vente au détail dans les cabarets... C'est de cette époque que date l'allergie des Français à l'impôt sous toutes ses formes.... »
Les contrôles chez les vignerons et dans les auberges, étaient assurés sous l'Ancien Régime, par les "bureaux des aîdes". Ce n'était pas sans danger : les nombreux procès-verbaux de visite, conservés aux archives en série C, racontent , certificats médicaux à l'appui, les mésaventures tragi-comiques des agents du fisc ! 


ADSM 35 C 45

On a appris, au bureau des aîdes de Melun, qu'un vigneron d'Orgenoy, pour éviter les taxes, aurait conduit  du vin "nuitamment, sans congé ni déclaration, dans une charrette escortée de plusieurs particuliers munis d'armes" chez le sieur Coquet, à Saint Fargeau.

1er acte - le 10 juillet -
Les contrôleurs se rendent sur place pour perquisitionner. La porte est fermée et la femme de Coquet interdit à sa servante d'ouvrir. Les commis vont chercher le serrurier du village.
" A l'instant, le curé du dit lieu de St Fargeau (Jacques Pichon) , accompagné de plusieurs habitants du lieu  qui étaient au devant de l'église, proche de la croix, devant la maison du dit Coquet, demande des explications. " On lui explique que le serrurier est réquisitionné mais, à l'instigation du curé, le serrurier refuse et se retire. Les commis forcent la porte de la cour, fouillent les bâtiments ouverts et reviennent à l'habitation fermée.
Arrive le nommé Masson, vigneron à St Fargeau,
"jurant et blasphémant le Saint Nom de Dieu ayant pris un gros bâton, pointu par un bout. Appelant du renfort, il est venu à nous pour nous décharger du bâton sur le corps, à dessein de nous tuer." La femme de Coquet, les servantes et valets de cour sortent alors et frappent un commis "de coups de poing sur la tête de sorte que son chapeau tomba sur le côté et sa perruque de l'autre dans l'eau du fumier de la dite cour...nous avons été obligés de mettre l'épée à la main."
Les commis cherchent à se réfugier au bureau des aîdes, chez Saint Aignan, le buraliste du lieu. Mais "Masson, nous poursuivant toujours, son bâton à la main et nous traitant de bougres, fripons, voleurs, chiens, nous a roué de coups de bâton." Ils trouvent leur salut dans la fuite.

2ème acte - le 25 juillet -
Cette fois-ci, c'est le Sieur Delahaye, Directeur du Bureau des Aîdes de Melun, qui dirige l'opération. Sur l'ordre de ce haut magistrat, Coquet ouvre sa porte mais, pendant la visite :
" nous avons entendu que plusieurs habitants, dans la rue devant la maison faisaient une huëe et criée tumultueuse et par dérision contre le respect du à la justice.!".  Devant la menace, ils se replient chez le buraliste.

Delahaye sort dans la rue "pour imposer le silence. Alors plusieurs habitants viennent à nous pour nous maltraiter, ce qui oblige le magistrat à revêtir sa robe de palais pour leur inspirer le respect. Masson, jurant et blasphémant le Saint Nom de Dieu, et ayant de grosses pierres dans sa main, s'avance vers Delahaye : J'renie Dieu, bougre de chien, si tu avances avec ta bougre de robe, c'est toi que je tuerai le premier ! Et toi, commis, si tu avances encore un pas avec ta foutu casaque, je te casserai la cervelle! "

Directeur et commis battent en retraite, rédigent leur procès-verbal, font constater leurs blessures par un médecin et entament poursuites et interminables procès !
 

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