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Scandales, charivari et Carême-prenant

Les communautés villageoises avaient établi depuis longtemps leurs propres mécanismes de contrôle moral. Mariages mal assortis ou conduites jugées scandaleuses déclenchaient, devant la maison des accusés, un concert vengeur : le charivari.

Le 8 février 1849, la gendarmerie de Ponthierry rend compte : "le garde champêtre de St Fargeau nous a dit que les jeunes gens de cette commune faisaient un charivari depuis plusieurs soirs.... Nous nous sommes rendus chez Mr le maire et, bien qu'il soit l'objet de cette raillerie, il nous a dit que tant que les auteurs de ce tapage ne citeraient aucun nom et n'attaqueraient la réputation de qui que ce soit il fallait les laisser s'amuser. Toutefois ce charivari n'a rien de sérieux; ce sont environ une douzaine de jeunes gens dont quelques uns ont des cornes et sonnent de cet instrument  alternativement de demi-minute en demi-minute, ce qui peut durer un quart d'heure ou vingt minutes au plus, mais sans nommer personne, sans pousser aucun cri, sans faire entendre d'autres sons discordants, sans même s'arrêter devant aucune porte...

D'après nos investigations, voici ce que nous avons recueilli : le 2 de ce mois, Mr Tronsin, maire de St Fargeau, a donné un diner qui a fini par devenir une orgie. Parmi les convives étaient les époux St Agnan, demeurant à St Fargeau, Mr Garnier, menuisier demeurant au hameau de Tilly, et Mme Saveteur, demeurant à Ponthierry. Il paraitrait que Mme St Agnan aurat dit qu'elle désirait avoir un enfant de Mr Garnier. C'est cette parole, qui a été entendu du dehors ou rapportée, qui aurait donné lieu au charivari. Mr le Maire nous a dit qu'il ferait mettre des affiches aujourd'hui pour prévenir qu'on n'attaque la réputation de personne mais qu'il tolérait que ces jeuns gens continuent leur cornage..." (ADSM M 10084)

Mais la société rurale s'autorisait aussi des temps de défoulement collectif : "A Caresme-prenant et en vendanges, tous propos sont de licence". Le temps des vendanges, qui utilisaient autant de main d'oeuvre féminine que masculine, était bien connu pour "échauffer les sens" et faciliter de discrètes rencontres..
Les réjouissances du Mardi Gras se prolongeaient souvent le Mercredi des Cendres, jour d'ouverture du Carême, malgré les nombreux rappels à l'ordre de l'Eglise. En 1820, le curé de St Fargeau déclare
"point de scandales (dans la paroisse) excepté le mercredi des cendres où l'on continue les scandales du carnaval..."(Archives .Diocesaine de Meaux).

Sous l'anonymat des masques la contestation politique pouvait aussi se manifester. En 1853, le  nouvel Empereur des Français, Napoléon III, se méfie de cette forme de liberté d'expression... ! Sur circulaire du Préfet, Chalopin, maire de St Fargeau, arrête que : la circulation sur la voie publique, le mercredi des cendres, après huit heures du matin, de tout individu masqué ou travesti est formellement prohibée; l'usage de promener, le même jour, des mannequins dans les rues et places publiques et de les brûler ensuite est également prohibé;  les tapages injurieux ou nocturnes sont également défendus.... (ADSM M10084)

© Jean ROBERT
Sur le charivari, un article de
Michel PORRET, de l'université de Genève.  -  Sur le symbolisme du Carnaval, Imago Mundi.

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