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1870 - Francs-tireurs et gardes nationaux - 1871
Les soldats oubliés de la vallée de l'Ecole

A propos
des francs-tireurs

19 juillet 1870 : la France de Napoléon III déclare la guerre à la Prusse. En moins de deux mois l'armée impériale est écrasée et l'Empereur fait prisonnier à Sedan. Le nouveau gouvernement de la République, proclamée le 4 septembre, s'enferme, avec les débris de l'armée, dans Paris encerclé et assiégé dès le 18 septembre. Les troupes allemandes envahissent la Seine et Marne sans rencontrer d'autre résistance que celle d'une poignée de francs-tireurs et de gardes nationaux. Le lieutenant-colonel Ledeuil, organisateur des " Francs-Tireurs de Paris ", nous a laissé un précieux témoignage sur leur action dans la vallée de l'Ecole. Naturellement, le récit épique de ces combats héroïques devient dans l'histoire officielle de la guerre, publiée d'après les sources officielles allemandes, le froid rapport de quelques escarmouches !



 

Pour reconnaître dans la direction de la Loire l'éventuelle présence de forces françaises, la 4ème division , commandée par le prince Albrecht de Prusse, avait occupé Melun et franchi la Seine le 18 septembre.

"A midi, la division débouchait au sud de la Seine et, évitant la forêt de Fontainebleau, se dirigeait sur Milly par Perthes. Trois escadrons du 2ème hussards formaient l'avant-garde. Un peloton du même régiment détaché sur le flanc droit suivait la vallée de l'Ecole et devait rejoindre la colonne à Moigny. Après s'être arrêté à Perthes et à Cély pour fouiller ces villages et se faire remettre les armes détenues par les habitants, l'escadron tête d'avant garde arrivait vers 3 heures du soir devant Courances, qu'il trouvait occupé. En même temps, une patrouille signalait aux deux escadrons du gros de l'avant-garde, qui venaient d'atteindre le bois de Thurelles, la présence de fantassins français à Dannemois.

La 4ème division de cavalerie se trouvait, en effet, en présence du 1er bataillon des francs-tireurs de la Seine. Sorti de Paris le 9 septembre... ce corps avait circulé sur les deux rives du fleuve...et échangé quelques coups de fusils  avec les patrouilles de cavalerie prussienne aux abords de Melun (Rubelles) le 17. Chacune des trois localités de Courances, Moigny et Dannemois était occupée le 18 par une compagnie du bataillon, dont les cinq autres étaient à Milly. Les compagnies détachées venaient de recevoir l'ordre de rejoindre le gros pour se diriger vers le sud. Celles de Courances et Moigny avaient commencé leur mouvement ; mais le commandant de la 8ème compagnie, à Dannemois, voulut attendre la cavalerie prussienne qui lui était signalée. Son unité comptait 83 hommes, renforcés par 25 gardes nationaux du pays."

"Tandis que l'escadron de tête d'avant-garde de la colonne prussienne observait Courances, le premier escadron du gros de l'avant-garde débouchait du bois de Thurelles dans la direction de Dannemois et se lançait contre des tirailleurs que l'on apercevait en avant de la lisière sud-est du bois. Mais cet escadron ne put pénétrer dans le village et dut se replier.

Pendant ce temps, le reste du gros de l'avant-garde se formait à la lisière ouest du bois de Thurelles. Une des batteries de la division, installée près du chemin qui mène à Dannemois, ouvrait le feu contre ce village au moment où le premier escadron se repliait. Elle devait bientôt interrompre son tir en apercevant, près de la lisière nord du village, des hussards prussiens et en entendant le bruit d'une fusillade assez vive. C'était le peloton détaché dans la vallée de l'Ecole qui s'était engagé également au moment où se terminait l'attaque du premier escadron. Le lieutenant qui commandait ce peloton fut tué dans cette affaire.
Sous le feu de l'artillerie, les francs-tireurs ne tinrent d'ailleurs pas longtemps dans Dannemois, ils se retirèrent, partie vers Courances, partie vers Videlles. Ces derniers furent poursuivis avec acharnement par les hussards qui voulaient venger la mort de leur chef. Dannemois enlevé, la cavalerie prussienne reprenait à 4 heures son mouvement vers le sud. Elle trouvait les localités de Moigny et du Ruisseau occupées et les faisait canonner par une section d'artillerie. La 10ème brigade se rapprochait de Courances...Voyant la nuit approcher, le prince Albrecht renonçait à gagner Milly et il ramenait ses troupes vers Cély."
Le lendemain, il se dirigea par Dannemois vers Boutigny dans la vallée de l'Essonne.

 

    " C'est jour de fête patronale à Dannemois le 18 septembre...La veille les francs-tireurs étaient survenus...Et au lieu des violons et des flûtes annonçant le bal, c'étaient les commandements de guerre et les crosses des fusils battant le pavé qui résonnaient. Dannemois est brave, Dannemois, Moigny, Courances, Milly, tout ce petit coin entre Essonne et Seine, si riant au touriste, si hospitalier au voyageur...L'ennemi menace...qu'il vienne ! On se battra.

Des coups de feu s'entendent, à l'autre extrémité du village. C'étaient les gardes nationaux, et parmi eux MM. Ledur; Belzanne, Mettand, Bourdeau, Michault, Gauthier, Bocquet, Rousseau, le patriote dit la Jambe de Bois et le garde-champêtre qui soutenaient le premier choc de l'ennemi. N'ayant que 6 cartouches par homme et des fusils à piston, ils n'en avaient pas moins démonté une trentaine de hussards poméraniens.

 « Allons, amis, à notre tour  ! » dit le capitaine Bonnet à ses francs-tireurs. Huit hommes furent détachés en tirailleurs, la compagnie divisée en deux sections : 60 hommes avec le capitaine et 15 avec le lieutenant Bazin. Le lieutenant alla droit à l'ennemi. Le capitaine se porta sur la lisière d'un des petits bois qui environnent la ville. Les éclaireurs allemands étaient à 300 mètres suivis de très près ar une épaisse colonne.

L'action s'engagea aussitôt...C'était presque un corps à corps et les Allemands y tombaient foudroyés. De toute part les chevaux fuyaient ou revenaient sans leur cavalier, et parmi eux ceux du colonel (en fait, lieutenant) le comte de Horn, de son capitaine d'ordonnance et de plusieurs officiers. On entendit comme un rugissement dans le camp ennemi et l'instant d'après ce fut comme une trombe de cavalerie enveloppant de tous côtés nos deux vaillantes petites troupes. Quelques coups de canon balayèrent l'espace laissé libre entre les flancs .de l'ouragan; puis les flancs se rapprochèrent et s'engouffrèrent avec des hurlements dans Dannemois.
A l'approche si rapide des escadrons et aux volées de mitraille qu'on leur avait envoyés, les francs-tireurs s'étaient enfoncés sous bois....mais ne s'étaient pas retirés sans résistance "
Ledeuil,, Campagne des francs-tireurs de Paris-)

Le petit obélisque, dressé au croisement des routes de Corbeil à Milly (D 948) et de Dannemois à Videlles (D 90), en souvenir des combats de 1870, ne porte que 8 noms. Pourtant vingt hommes, tant francs-tireurs que garde-nationaux, étaient tombés à Dannemois. D'autres s'étaient repliés sur Milly où, le 26 septembre, ils attaquèrent, à la Montignotte, un convoi allemand. Un petit groupe trouva abri dans les rochers de Videlles et Nainville. Pendant tout l'hiver, à Cely, en forêt de Fontainebleau, à la Table du Roi  (gravure 60k°) et jusque sur le marché de Melun, différents groupes harcelèrent les patrouilles allemandes chargées de réquisitionner vivres et animaux.
Il en est de même dans toute la zone entre les armées allemandes assiégeant Paris et celles qui ont atteint la Loire à Orléans début octobre.
"L'apparition de ces francs-tireurs sans uniforme qui montent eux-même des opérations, attaquent les soldats allemands isolés puis se retirent inquiète l'état-major... Il ne faut exagérer ni le nombre ni le rôle de ces groupes que les autorités françaises ne contrôlent guère. Pourtant en septembre-octobre, les actions isolées de ces francs-tireurs créent un climat d'insécurité dans l'Est et dans les campagnes du Bassin Parisien " (François ROTH)

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