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 Commémorations 1914 -1944 - 2004 : à propos d'un tableau de Desvallières à St Fargeau
 © Jean ROBERT 

Desvallières Ambroselli
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 Le magnifique ouvrage de  Catherine Ambroselli vient enfin de rendre hommage à l'oeuvre de George Desvallières jusqu'à présent injustement oubliée. Centré sur les dix années qui ont précédé la Grande Guerre (les plus originales), il rappelle toutes les facettes du talent d'un des rares expressionnistes français que l'étiquette exclusive de "rénovateur de l'art chrétien" semble avoir condamné au purgatoire ! Il est vrai qu'après son retour au catholicisme et le traumatisme de la guerre de 14-18 (où il perdit l'un de ses fils), il se consacre quasi exclusivement à la peinture religieuse, devenant "peintre des mystères douloureux et de la guerre" selon l'expression de Maurice Denis (1), co-fondateur avec lui, en 1919, des Ateliers d'Art Sacré.

 Mais ses oeuvres font scandale dans les milieux bien-pensants : "vous vous plaisez dans les horreurs et dans le sang" lui déclare une visiteuse du Salon de 1919. Des toiles comme "l'Ascension du poilu"  (à Orsay) ou le "Drapeau du Sacré-Coeur",  les vitraux de l'ossuaire de Douaumont, les décors de la chapelle de St Privat ou de la Cité du Souvenir sont saluées par la critique comme "devant faire époque dans la peinture religieuse ... mais le grand public se montre moins compréhensif."

 Dès 1920, il peignait pour l'église de Seine-Port un tableau à la mémoire de son fils Daniel - "In mémoriam" - dans ce style que ses détracteurs qualifieront d'héroïco-mystique : le Christ couronné d'épines emporte dans sa gloire un jeune soldat français. On trouvera sur le site de la mairie de Seine-Port de nombreuses indications sur les liens qui unissaient la famille Desvallières à ce village des bords de Seine. Mais "son atelier se trouvait de l’autre côté de la Seine, dans les bois qui se trouvent au-dessous de la gare (de St Fargeau). Il s’y rendait chaque jour avec son bateau, sans trop se préoccuper du temps .... Toujours alerte malgré son âge, il continua jusqu'à la fin de sa vie à mener à  la rame la lourde barque de fer que lui avait forgée son fils Richard .(2)"  
Deux de ses oeuvres évoquent l'église de St Fargeau. Dans un "Ex-voto pour l'église de St Fargeau" (aujourd'hui disparu?) exposé au Salon des Tuileries en 1928, le peintre "s'est représenté offrant des esquisses avec sa femme et ses trois filles sous le porche..(1).".Heureusement les "Obsèques d'un jeune soldat", de la même époque et dans le même cadre, sont revenues à St Fargeau et retrouveront prochainement leur place dans l'église.

Desvallières, Saint Fargeau
"Obsèques d'un jeune soldat"
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 Le "Maître ancien combattant" n'a pourtant rien d'un belliciste. En 1928, il cautionne, en en dessinant  l'affiche, le film Verdun, visions d'histoire de Poirier : " si celui-ci n'hésite pas devant le symbolisme, son oeuvre est d'abord une mise en scène des combats, de cette violence qu'il a lui-même vécue et dont il entend montrer les ravages dans une visée pacifiste, sans renoncer, cependant, à faire vibrer la fibre nationale.(3)" En 1934, il "songe à représenter la réconciliation d'un Français et d'un Allemand".

Cela n'empêcha pas, dix ans plus tard, son dernier geste de combattant : " Quand le 24 août 1944, le Général Patton, qui se trouvait dans les bois de l'Ormetteau, voulant faire taire la pièce allemande qui, du haut de la route pavée du Pavillon Royal, bombardait St Fargeau, détacha une trentaine d'hommes pour s'en saisir, ceux-ci, ne pouvant prendre la route normale, demandèrent à George Desvallières l'autorisation de passer par sa propriété, celui-ci accepta et non seulement accepta, mais après avoir, à 83 ans, sauté le mur de sa propriété, prit lui-même la tête du détachement, et à travers les sentiers, les taillis de la propriété de M.Piollet, permit aux Américains qu'il conduisait de prendre les dispositions nécessaires à la capture de cette pièce"(4). C'est aussi la Résistance qui inspira une de ses dernières oeuvres : les illustrations  pour la ré-édition en 1946 des "Cahiers clandestins du Témoignage Chrétien".

(1) GARREAU (Albert), George Desvallières, Paris, 1942.  (2)  PALADHILE (Dominique), Seine-Port, son histoire, ses vieilles maisons, 1995 (3) Michel Cadé, La Grande Guerre dans le cinéma français.  (4) DESVALLIERES (Richard), Bulletin de la Société d'Histoire et d'Art du Diocèse de Meaux, n°2, 1951. Ce n°, consacré à Desvallières, contient un catalogue des oeuvres situées en Seine et Marne.
Pour replacer Desvallières dans un cadre plus vaste : L'Art Sacré en France au XX° siècle, l'Albaron, 1993

 Mairie de Seine-Port   Cité du Souvenir  Oeuvres de Desvallières
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