Si le passé de la communauté
chrétienne de St Fargeau-Ponthierry commence à être
bien connue, il n’en est pas de même de l’histoire des deux
églises anciennes de la commune :celles de Moulignon et de
Saint Fargeau. Il n’existe, à ma connaissance, aucune publication
sérieuse d’archéologue ou d’historien de l’art les
concernant. Les indications éparses dans les publications
concernant la commune - simple reprise, sans citation d’auteur,
de textes anciens eux-mêmes sujets à caution - sont
à prendre avec beaucoup de précaution. Des publications
récentes ne sont guère plus fiables : le récent
"Dictionnaire des monuments d'Ile de France" publié
en 1999 attribue à celle de St Fargeau un clocher-porche
sans doute par confusion avec celui de Moulignon ! En ce qui
concerne l’église de St Fargeau, on peut essayer de confronter
les quelques données architecturales proposées aux
sources d’archives qui commencent à peine à être
étudiées.
 ‘’L’église de St Fargeau
été édifiée aux XII-XIII° siècles…
‘’ Le clocher, qui est toujours décrit comme la partie la
plus ancienne, présente en effet des baies en plein cintre
au 1er niveau et en arc légèrement brisé au
2ème, succession qui peut être caractéristique,
en Ile de France, d’un roman tardif. C’est effectivement au XIII°
siècle qu’apparaissent, dans les obituaires de St Germain
des Prés et de St Spire de Corbeil, les premières
mentions d’une paroisse Saint Férréol. On doit néanmoins
rapporter ici une "tradition" locale selon laquelle des
traces d’un édifice plus ancien, orienté est-ouest,
auraient été signalées en 1980 au cours de
travaux au nord-est du clocher.
‘’…et presque entièrement reconstruite au XVI°
siècle…’’ S’il y a eu reconstruction ( ?), il s’agit
de la partie en forme de croix latine, nef et transept , les deux
bras du transept étant aujourd’hui les ‘’chapelles’’ dites
de la Vierge et de St Vincent. Il semble qu’elle soit en partie
postérieure au clocher, une des baies du premier niveau de
celui-ci donnant à l’intérieur du comble. Néanmoins,
le portail, ouvrant sur la façade nord de la nef, en forme
d’arc légèrement brisé, encadré de deux
colonnettes portant des chapiteaux et surmonté d’une archivolte
sculpté d’une tore en dents de scie, est d’un modèle
courant dans la région et généralement daté
du XII° ( ?) siècle. Il pourrait donc s'agir d'un réemploi.
Toute la région a été touchée par la
guerre de Cent Ans. En 1350, le pouillé du diocèse
de Sens signale la pauvreté de la paroisse. Comme toutes
celles du voisinage, notre église a certainement été
fortifiée ( B.N N.A.F 20006 n° 122). L’étude des
comptes du doyenné de Melun, conservés aux Archives
départementales de l’Yonne (G 343 sq.) pour les années
1350-1600 mais non-encore publiés et d’exploitation difficile,
pourra certainement amener plus de précision sur cette époque.
Une série de visites pastorales (A.D.Yonne G81 et G
90) pour la période 1440-1510 est en cours d’étude.
Il semble qu’il y ait eu, au début du XVI° siècle,
réparations plus que reconstruction mais surtout agrandissement
nécessité par la reprise de la croissance économique
et démographique. Celui-ci s’est fait par la construction
d’un bas-côté vers l’ouest formé de deux travées
dont la première est occupée aujourd’hui
par le baptistère. Leur voûte est construite sur une
croisée d’ogives dont les nervures présentent un profil
caractéristique de la fin du XV° siècle. Quelques
éléments d’origine, dont une clef de voûte sculptée,
ont été heureusement retrouvés autour de l’église
et dans le jardin du presbytère. En effet ces voûtes
ont été entièrement reconstruites ‘’à
l’identique’’ au cours d’importants travaux en 1889 (Archives communales
1W2201). D’après l’abbé Malvaux, curé
de St Fargeau en 1889, c’est à l’occasion de cette ‘’restauration
‘’ que le bras ouest du transept (actuelle chapelle de la Vierge)
a perdu son aspect ancien : " on a cru devoir la faire dans
le même style que les deux premières afin que les trois
voûtes…fussent semblables… dans le principe la chose n’était
pas ainsi. " (A.D. Seine Marne 5V246) Ce bas-côté
conserve (en réemploi ?) quelques éléments
de décor sculpté, têtes d’homme et angelot,
en culs de lampe ou aux angles d’un chapiteau. Il ouvrait sur la
façade nord par une petite porte,
aujourd’hui murée mais bien visible de l’extérieur,
surmontée d’une simple voussure s’appuyant sur deux figures
sculptées : tête d’homme et griffon ( ?). Cette porte
est surmontée d’une fenêtre à meneau de dessin
flamboyant. Depuis cet agrandissement vers 1500, le bâtiment
n’a pas connu d’adjonctions majeures, si ce n’est la construction
de l’actuelle sacristie vers 1820 (A.D.S.M. 4 Op 429).
Mais bien que St Fargeau soit considérée comme
une ‘’bonne et riche’’ paroisse par tous les documents anciens,
l’église a toujours posé des problèmes d’entretien.
En 1672, le doyen rural note : " l’église est découverte
en plusieurs endroits, le Sr Curé nous a dit qu’il y a marché
pour la faire raccommoder " (A.D.Yonne G91) . Cependant, en
1738, l’archidiacre de Melun la trouve " dans un état
propre et décent " (A.D.Yonne G219). Pourtant, quarante
ans plus tard, d’importants travaux doivent être mis en route
: " le bas-froid (sic) du clocher est totalement usé
et prêt à tomber…une poutre complètement pourrie
et le plafond en mauvais ordre…l’église a souffert de beaucoup
de dommages…les chapelles détruites…l’office interrompu par
les pluies et les eaux qui inondaient… ". A la veille de la
Révolution, le problème n’est pas réglé
puisque le 12 Juillet 1789 les marguilliers convoquent une assemblée
paroissiale " pour urgente nécessité des réparations
à faire au grand comble de cette église ". Ces
notations sont extraites d’un précieux registre paroissial
qui a gardé trace des travaux exécutés pendant
les dernières années de l’Ancien Régime. On
y apprend ainsi que le grand autel était surmonté
d’un tableau, encadré de pilastres et de chapiteaux, qui
pourrait être la grande Descente de Croix, de style flamand,
qui se trouve aujourd’hui dans la chapelle St Vincent… " En
1776 a été faite une table de fer pour servir de table
de communion…la chaire a été faite en 1777…en 1778
ont été fait les fonds de baptême à neuf
et posé une balustrade autour que le curé a obtenu
des débris de la chapelle de Maison Rouge…un portrait neuf
de St Vincent …etc. "
L’église de St Fargeau ne semble pas avoir souffert
de la période révolutionnaire. C’est l’annexe de Moulignon
qui fut transformée en atelier de salpêtre. Le mobilier
(datant du XVIII° siècle) fut sauvé : " le
banc d’œuvre servant de bureau aux assemblées en la lecture
des lois, la chaire servant de tribune aux assemblées, tous
les bancs servant aux citoyens lors de la lecture des lois "
(A.D.S.M. 1Q1612).
Devenue bien national, l’église relève maintenant
de la commune. Si les archives municipales sont quasi inexistantes
pour lapremière moitié du XIX°
siècle, les archives départementales ont heureusement
gardé trace de travaux en 1818 et 1843 et de dégâts
faits par la foudre en 1845. Le registre de fabrique (A.D.S.M. 5V246)
témoigne de la dégradation progressive du bâtiment.
Il faut attendre 1889 pour que soient entamés, après
d’innombrables expertises, devis, demandes de crédits, etc.
les réparations devenues indispensables. " Les contreforts
du midi de l’église sont dans un mauvais état ".
Outre les travaux cités plus haut sur le bas-côté
qui menaçait ruine, " le plafond qui se trouve au-dessus
de l’allée principale, a été restauré.Des
solives en fer ont été rajoutées en plusieurs
endroits pour consolider les solives en bois. Si le conseil de fabrique
avait eu des ressources…il aurait fait deux voûtes ".
On peut suivre le détail des aménagements intérieurs
de l’église jusqu’à l’inventaire de 1905. Par contre,
depuis cette date, les archives municipales n'ont guère gardé
trace des travaux effectués.
Jean ROBERT
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