Fil d'Ariane > Communes > St Fargeau-Ponthierry >choléra 1832


La mémoire collective est, fort heureusement, faculté de l’oubli. Il a fallu les images du ‘’Hussard sur le toit ‘’, adaptation au cinéma de l’œuvre de Giono, pour rappeler un épisode qui devait rester, jusqu’à l’hécatombe de 1914-1918, un des traumatismes majeurs de notre histoire.

Un été tragique : l’épidémie de choléra de 1832

Vers 1830, le mot ‘’choléra’’ est sur toutes les bouches. Pourtant, comme le déclare fort cyniquement le Grand Larousse du XIX° siècle : " le choléra, s’il était resté une maladie endémique sur les bords marécageux du Gange, n’aurait que médiocrement intéressé les Occidentaux…" et à plus forte raison, les Ferréopontains ! Mais ce choléra dit ‘’indien’’ émigre ! Il atteint Moscou en 1830, Berlin en 1831, faisant des milliers de morts sur son passage. Après Londres, touché en février 1832, il est à Paris le 26 mars. A l’approche de l’ennemi, l’administration multiplie avertissements et instructions.

A St Fargeau, le maire, Jean Lecamus, général en retraite, a déjà commencé à organiser ses défenses. Le 13 avril, il écrit au préfet : " Voilà quelles sont les mesures que j’ai pris avant d’avoir reçu vos instructions. Avec MM Chemin et Morice, chirurgiens, nous avons fait des visites dans toutes les maisons des six hameaux ; nous terminerons demain cette opération qui a pour but de faire assainir chaque maison et d’y faire mettre du chlore, de faire enlever tous les fumiers et immondices autour des maisons et d’y prescrire la plus grande propreté… J’ai fait aussi un appel à tous les habitants pour obtenir des secours en literie, couvertes, linges, bas, etc.…pour le soulagement et le traitement des malheureux dans le cas ou le choléra viendrait à se manifester dans la commune… "

Trois jours plus tard, le conseil municipal décide que les chirurgiens déposeront " dans chacun des hameaux, chez un des membres du conseil, les médicaments nécessaires à faire usage à l’instant lorsqu’un malade éprouvera les premiers symptômes du mal, en attendant que le chirurgien soit arrivé. A cet effet, MM les chirurgiens donneront par écrit la formule pour administrer les premiers médicaments…Il y aura toujours près d’un malade quatre personnes pour lui donner des soins… Faute d’un local convenable pour établir une infirmerie, les malades seront traités à domicile et, à cet effet, des infirmiers seront nommés dans chaque hameau pour soigner les indigents… Pour l’instant aucun symptôme de choléra ne s’est manifesté dans la commune… "

Dès le 20 avril, le premier cas est signalé. Le 26, le curé de St Fargeau, Jean Balna, inscrit, comme il le fera tout au long de l’été, ‘’cholérique ‘’ en marge de l’acte de décès de Marie Louise Turplin. Tous les âges sont touchés : Emilie Oudy 18 ans, Jean-Baptiste Forget 35 ans, Virginie Leroi quatre mois. Lecamus est atteint dans sa famille : le 6 juin, le corps d’Abel-Rémusat, son gendre, décédé à Paris, est inhumé à St Fargeau (*). Enfin, Marie Léveillé, 64 ans, une des dernières victimes, est enterrée le 1er août.

A la fin de l’été, la Seine et Marne a perdu plus de 7000 morts, 2,5% de sa population. Seine-Port a enregistré 22 décès pour 750 habitants (3%) et Cély en Bière 42 pour 605 (7%). A Saint-Fargeau-Ponthierry, les dispositions élémentaires d’hygiène prises par les autorités municipales ont peut-être limité les dégâts. Du 20 avril au 15 septembre, l’épidémie a frappé 52 personnes, entraînant 12 décès soit, pour un millier d’habitants, 1,2%. Ce chiffre peut paraître faible mais, si on le rapporte à la population actuelle, on peut imaginer la panique qu’amèneraient plus de 500 cas et une centaine de décès !

Cet été tragique connaîtra, un an plus tard, un ultime prolongement. Le 7 août 1833, le maire écrit au préfet: " …un suicide a eu lieu hier, à la ferme des Boulineaux, en la personne de la sœur de Mr Lefranc, fermier. Cette femme, ayant éprouvé de grands malheurs par la perte de son mari et de plusieurs enfants, morts du choléra, a été frappée elle-même de la perte de sa raison et elle a fini par se noyer dans le puits de la ferme. "

Malgré la rigueur, à cette époque, des lois de l’Eglise envers les suicidés, ce constat de folie permet à Balna, d’inhumer " au cimetière de St Fargeau, Emilie Lefranc décédée d’hier, agée de 58 ans, veuve de Jean-Baptiste Mondou, chez Pierre Jacques Lefranc, son frère." Le curé de St Fargeau, mûri par les épreuves de la Révolution et quarante ans de ministère, a su, devant une telle détresse, faire passer l’esprit avant la lettre…

© Jean ROBERT

(*) En réalité, Jean-Pierre Abel-Rémusat est bien mort pendant l'épidémie de choléra mais n'a pas succombé au choléra. (J. Robert - note du 06.09.03  voir  La mort d'Abel-Rémusat)


Sources : Archives départementales série M : Santé, Police et registres paroissiaux.
Biographies de Lecamus et Abel-Remusat :
St Fargeau Ponthierry au fil des temps p 111 et 243
 

 Fermer la fenêtre

 -Haut de page  blue1_1.gif  

Fil d'Ariane > Communes > St Fargeau-Ponthierry >choléra 1832