L'étude acharnée
de la langue et la rédaction de ses premières publications
n'empêchèrent pas Abel-Rémusat de poursuivre,
par nécessité, ses études de médecine
: «j'ai mes examens médicaux à passer, ce qui
est de toutes mes affaires celle que j'ai le plus en horreur...»
(à Jeandet le 27.01.1813) .
En août, il soutient sa thèse : "Dissertatio
de glossosemeiotice sive de signis morborum quae e lingua sumuntur,
praesertim apud sinenses", une trentaine de pages en latin,
sur le dignostic par l'examen de la langue en médecine chinoise.
Elle est inspirée directement de l'oeuvre de Michael Boym,
plagiée -indigno dolo!- par Andreas Cleter en 1682. Il arrive
ainsi à concilier passion et raison, chinois et médecine,
citant Hippocrate et les classiques chinois. Il est très
content de lui : « Nous avons parlé latin pendant une
heure tout s'est passé à merveille...J'ai
eu un nombre d'auditeurs prodigieux, au moins 150, et néammoins
les thèses sont fort peu suivies en ce moment..» (à Jeandet le 27.08.1813). Car il
commence à être connu : « Ce jeune docteur, l'honneur
de notre école, qui a su allier l'étude des langues
orientales à celle de la médecine, connait assez cette
science pour l'exercer utilement et avec succès...je l'ai
plus d'une fois distingué dans nos cliniques..» (Percy, cité par Landresse ).
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Mais,
six mois plus tôt, la Grande Armée s'est effondrée
en Russie. Jusque-là, fils unique d'une veuve, handicapé
d'un oeil, il a réussi, en faisant jouer ses relations, à
échapper à la conscription. «...mes inquiétudes
ont recommencé incessamment: tous les bruits ici sont pour
des levées considérables »(à
Jeandet le 27.08.1813). Malgré l'intervention
de Silvestre de Sacy et de l'Institut, il est mobilisé comme
chirurgien mais est nommé à Paris aux hopitaux provisoires
( installés dans les abattoirs!) pour accueillir les blessés
de la campagne de France. En mars1814, les Alliés assiègent
Paris : «j'ai pendant tout le mois dernier exercé mes
fonctions de chirurgien à l'hopital de Montmartre et j'ai
vu de loin la bataille de Belleville; mais je me suis retiré
avant le danger de sorte que l'on ne peut pas dire que ce soit lui
qui m'ait fait peur...»(à Jeandet, avril 1814)
. Il fut ensuite affecté à l'hopital de Montaigu pour
y soigner les victimes du typhus.
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Abel-Rémusat continua
à exercer pendant quelques années (souvent à
l'intention de sa famille ou de ses relations) jusqu'à ce
que son traitement de professeur au Collège de France et
de consevateur à la Biblothèque Royale lui assurent
un train de vie décent. Mais, comme l'écrit Landresse,
« Pour qui a connu M.Rémusat, aucun parti ne semblera
moins convenir à sa personne et à son caractère
que celui qu'il embrassait ...doué d'une extrème délicatesse
d'organes et d'une sensibilité profonde qu'il ne pouvait
surmonter....».
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